dimanche 28 octobre 2012

Aux oubliettes !

Le Moyen Âge, sombre époque...



Ah, les oubliettes, sombre cul de basse-fosse où croupissent de pauvres hères jetés là on ne sait plus pourquoi. Le terme est bien choisi, il fait penser au verbe oublier, tiré indirectement du latin obliviscor qui signifie "rendre noir, effacer".

Tiens, ça colle bien avec cette époque de sauvages qui se battaient habillés avec des boîtes de conserves et qui ne connaissaient même pas les bombes à sous-munitions. Des sauvages, je vous dis, même qu'en visitant le Mont-Saint-Michel, j'en ai vu des oubliettes avec des mannequins haillonneux figurant les victimes des cruels seigneurs du Moyen Âge.

Le problème, c'est que ... ben, c'est pas vrai !

A l'instar de la ceinture de chasteté et des largages d'huile bouillante, autres légendes inventées par les auteurs du XIXème siècle, les oubliettes, c'est que des menteries comme disait ma grand-mère.

Oubliettes vient, en fait, du mot "oublie", de l'ancien français obleie (oblaye) qui désigne une galette cuite entre deux plaques. Cette pâtisserie sera en usage jusqu'au XVIIIème siècle ; elle se vendait plate, roulée en cône ou épaisse (gaufre).

Watteau : le marchand d'oublies

Or, une des principales préoccupations des habitants des châteaux forts, c'était le stockage de victuailles en cas de conflit. Pour ce faire, il fallait une nourriture peu corruptible comme le porc fumé ou les oublies, intéressante source de sucres lents.

Ces réserves alimentaires devaient être stockées dans des endroits secs à l'abri de la lumière, sortes de silos souvent creusés dans la base du château. On ne doit pas s'étonner du fait que dans certaines régions, ces silos furent appelés "oubliettes" puisqu'ils recelaient des quantités de galettes séchées déposées là en cas de besoin.


Qui aurait eu l'idée d'emprisonner quelqu'un dans un garde-manger ? Le Moyen Âge n'est d'ailleurs pas une période portée sur l'emprisonnement ; à cette époque, on préférait trancher les mains des voleurs ou carrément pendre les délinquants plutôt que de dépenser de l'argent à les nourrir en prison. Seuls les hôtes de marque pouvaient prétendre à la geôle comme ce bon cardinal La Ballue qui fut enchaîné onze ans dans le château d'Onzain pour avoir participé à un complot contre Louis XI.

Toute ressemblance avec des personnages contemporains ne peut être que fortuite.

Invention des historiens romantiques, les oubliettes ont cependant de beaux jours devant elles comme tous les fantasmes à propos de l'époque médiévale ; il faut dire qu'un prisonnier qui sèche dans une sombre et infâme fosse, ça plaît plus aux touristes qu'un simple garde-manger rempli de galettes. Voilà pourquoi, la vraie destination de ces silos trouvés dans les châteaux a été jetée aux... oubliettes.


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