vendredi 12 février 2016

Courir 5

Le trail


C'est Allain qui me parla de cette nouvelle discipline qu'il connaissait depuis quelques années. Jusqu'ici, on n'organisait pas ce genre d'épreuve dans nos contrées normandes mais un gars qu'il avait connu en courant le fameux trail des Templiers avait eu la folle idée d'en organiser un dans le bocage de la Suisse Normande. Nous nous attelâmes donc à courir cette formidable épreuve de 30 énormes kilomètres. Le caractère insensé d'un tel défi parvint bientôt aux oreilles du journal local qui fit un article sur le coiffeur et l'instituteur qui osaient s'attaquer à aussi forte partie.

Je ne fus pas déçu, parti à l'assaut des collines comme on démarre une course sur route, je me calcinai en moins de 20 km et finis mon premier trail en claudiquant, les intestins en désordre. J'étais convaincu.

On était à la fin du siècle dernier. Dès les années 2000, le trail s'imposa comme une discipline majeure de la course à pied et l'inflation commença... Moi qui étais fier de mon petit 30km, j'en rabattis rapidement quand d'autres coureurs arborèrent des 60, 80, 100km sans vergogne ni pudeur. En 2002, je courus les 65 km des Templiers à Nant, je finis dernier de notre groupe d'une dizaine de Normands, les jambes comme du béton et les genoux en compote. J'étais émerveillé.

Coureur à pied encore un peu tendre, j'avais fait la connaissance d'un monde aux multiples paramètres : dénivelée (plus douce au féminin), nature du terrain, balisage (aléatoire ou pas), autonomie alimentaire, gestion de la douleur et de ces foutus intestins... Et puis, il y avait l'Esprit trail.

Comment dire, l'Esprit trail c'est quand tu as pris un dossard dans une course mais que c'est pas vraiment une compétition car tu dois d'abord courir contre ou avec toi-même mais aussi en communion avec la Nature que même que si tes copains ils t'ont poutré dans les grandes largeurs tu es quand même content car tu as tracé ta route, tracé ton chemin, passe à ton voisin...

Ancien combattant de castagne en pyjama, j'ai retrouvé le même esprit dans la définition d'un autre art martial, le kyūdō (la voie de l'arc) : Le pratiquant recherche un mouvement parfait pour pouvoir transcender à la fois l'esprit et le corps. Le principe consiste à percer une feuille de papier servant de cible, avec un minimum de tension musculaire et un maximum d'énergie spirituelle (Wikipédia). C'est tout moi, ça, le mouvement parfait dans des chutes plus spectaculaires que dangereuses (merci le judo !), l'esprit et le corps transcendés de fatigue au point de ne plus savoir comment je m'appelle et tout ça avec un minimum de tension musculaire. Et je ne parle pas de l'état du corps caverneux !

Quand mes amis se mirent à arpenter les pentes du Mont-Blanc ou de la Réunion pour y courir des épreuves de plus de 150km, je compris que je n'étais pas dimensionné pour cela et je me contentai de trails n'excédant pas 80km. C'est suffisant pour que je me fasse mal et que je vomisse tout mon quatre heures.

Trail du Camp de César 2010
(Merci à Françoise 84 et Badgone)


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