jeudi 12 avril 2012

A Whiter Shade of Pale

Plus qu'un énorme tube à faire saigner les nombrils, "A whiter shade of pale" (1967) est un des morceaux les plus énigmatiques de la musique des années 60.

Longtemps, on a reproché à Gary Brooker d'avoir copié sur l'Air de la troisième suite de Bach pour composer son fameux thème ; ce qui est totalement injuste car, si on compare les deux thèmes, on ne peut parler que de réminiscence dans le cas de la pièce de Procol Harum.

Ce qui distinguait ce groupe des autres, c'est qu'un des membres, Keith Reid, ne jouait d'aucun instrument mais avait la charge de composer les paroles, produisant une poésie bien supérieure à ce qui se faisait à l'époque.

Le texte de "A whiter shade of pale" est une énigme pour qui cherche à le traduire littéralement. J'en ai longtemps cherché une traduction française et, n'ayant rien trouvé de satisfaisant, j'ai fini par en écrire une version personnelle dans la langue de Molière, respectant l'Esprit en m'écartant de la Lettre.
  
We skipped the light fandango -
turned cartwheels 'cross the floor
I was feeling kinda seasick
but the crowd called out for more
The room was humming harder
as the ceiling flew away
When we called out for another drink
the waiter brought a tray

And so it was that later
as the miller told his tale
that her face, at first just ghostly,
turned a whiter shade of pale

She said, 'There is no reason
and the truth is plain to see.'
But I wandered through my playing cards
and would not let her be
one of sixteen vestal virgins
who were leaving for the coast
and although my eyes were open
they might have just as well've been closed

And so it was that later
as the miller told his tale
that her face, at first just ghostly,
turned a whiter shade of pale


Effleurant le sol comme dans un léger fandango,
Nous traversions la piste en décrivant des roues.
J'étais pris d'un léger mal de mer
Mais la foule criait "Encore !"
La pièce se mit à vibrer tant et plus.
Alors que le plafond s'envolait,
Quand nous commandâmes une autre boisson,
Le serveur survint avec son plateau.

Et c'est ainsi que plus tard,
Alors que les brumes de l'ivresse nous prenaient,
Son visage, d'abord juste spectral,
Prit une nuance d'une pâleur extrême.

Elle dit qu'elle n'avait aucune raison de céder
Et la vérité sautait aux yeux.
Mais j'abattis mes derniers atouts,
Ne voulant pas qu'elle fût comme
Une de ces  seize Vestales
Qui partaient pour la côte.
Et même si mes yeux étaient ouverts,
Mes paupières closes n'auraient rien changé.

Et c'est ainsi que plus tard,
Alors que les brumes de l'ivresse nous prenaient,
Son visage, d'abord juste spectral,
Prit une nuance d'une pâleur extrême.


Notes :

Le premier vers est le plus difficile à traduire avec élégance : To skip veut dire sautiller et light s'attache à fandango (danse espagnole), il indique donc une impression de légèreté et non de lumière. Sautiller n'est pas un terme gracieux et j'ai donc utilisé effleurer en miroir de l'adjectif léger.
"humming" signifie bourdonner et j'ai dérivé vers "vibrer" à cause de la lourdeur du premier terme en français.
"as the miller told his tale" est une référence au deuxième conte de Canterbury de Chaucer (XIVème siècle) qui est narré  par un "Robin le meunier" complètement ivre. Cela avait jusqu'ici échappé aux traducteurs francophones.
"I wandered through my playing cards" : très difficile à traduire mais, en se mettant à la place du personnage masculin, on comprend bien qu'il "erre parmi ses cartes" pour savoir ce qu'il va sortir de son jeu.
"one of sixteen vestal virgins" l'expression, malgré son intéressante euphonie ne peut se traduire par "une de ces seize vestales vierges" car en français, ce serait faire une répétition. Par contre, le terme anglais dérive directement du latin "virgo vestalis"
"a whiter shade of pale" littéralement : une nuance plus blanche de pâle, le terme ne m'a pas paru bien élégant en français alors qu'il sonne parfaitement en anglais.




3 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Merci, Cher Traducteur. Ce que j'aime chez vous, entre autre est votre sens du beau. Vous avez cherché une meilleure traduction. Ne l'ayant pas trouvée, vous avez pallié le manque, en traduisant vous-même. Ne dit-on pas "qu'on est mieux servi que par soi-même"? Voilà, c'est fait.
    Vous avez su traduire cette chanson dans son expression poétique . C'est magnifique. Vous écrivez "vous avez voulu respecter l'esprit en vous écartant de la lettre" ! J'adore.
    J'appartiens aux années sixteens. C'est mon père, Anglo saxon (originaire d'une île des Caraïbes, colonie de l'Angleterre), qui m'a appris cette chanson. Depuis, je garde un merveilleux souvenir de l'avoir écoutée à n'en plus finir. Aujourd'hui, en 2023, quoiqu'agréable elle est devenue nostalgique.

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    1. Merci cher ami. Quant à moi, je suis né dans les années 50... nul n'est parfait !

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